Claude Fournis nous a quittés le 18 août 2024, dans sa 80e année.

Une grave maladie qui s’était déclarée au début de l’année 2024 l’a emporté en quelques mois. Les anciens du Club Piper France l’ont bien connu tant il était attaché à ce groupe et participait régulièrement aux rassemblements à travers la France.

Claude est né en 1945 aux Monceaux, dans la ferme de ses parents près de Lisieux dans le Calvados. Attiré tout jeune par le voyage, il avait exercé très tôt divers jobs dans sa région mais aussi au Canada où il avait travaillé comme serveur ainsi qu’au Sénégal.

Arrivé par hasard dans une concession automobile il commença une carrière de vendeur où il a très vite montré de grandes qualités. Son talent, son sens des affaires et son esprit d’entreprise l’ont conduit à créer et diriger son propre groupe de plusieurs concessions automobiles bien des années plus tard.

On ne compte pas les clubs, associations et autres groupements interprofessionnels dont il a été membre du bureau, vice-président ou président. Il fut également vice-président très investi à la Chambre de Commerce de Lisieux et promoteur acharné du développement de sa ville tant sur le plan industriel que du tourisme.

Claude aimait que les choses fonctionnent, que les gens se parlent et que les projets avancent. C’est peut-être cette vision claire et son envie de réaliser ce qu’il pensait être bien tout en gardant sa liberté qui l’ont retenu de s’engager en politique.

Claude est rentré très jeune dans la vie active et n’avait pas fait beaucoup d’études. Comme il se plaisait à le rappeler, il avait fait HEC : Hautes Études Communales!

Son Brevet de Pilote était sa grande fierté.

Venons-en donc à l’aviation qui a été l’un de ses grands espaces de liberté.

Claude apprit à piloter à Deauville et obtint son Brevet de Pilote Privé à l’âge de 26 ans. Il se confronta alors avec passion à la vie d’aéroclub, aux voyages aériens en avion léger et fréquenta quelques personnalités, notamment à l’Aéroclub de Deauville qui marqueront sa vie d’aviateur.
Jean GLASSON, décédé en 2022 fut un de ceux-là qui a été président de l’Aéroclub de Deauville et membre du Piper Club France.

Il initia Claude à la voltige aérienne, ils pratiquèrent ensemble le vol en montagne et avec lui, il partagea sa passion pendant plus de 50 ans. Ils achetèrent ensemble plusieurs avions dont notamment le Piper PA-19 F-BNQQ acquis en 1988.

Claude prit la présidence de l’Aéroclub de Deauville en 1982, quelques années après Jean GLASSON.

Il mit à profit ses qualités de négociateur et de chef d’entreprise acquises dans l’automobile pour renouveler la flotte d’avions du club et en développer significativement l’activité durant son mandat.

Claude était également fier de revendiquer son statut de paysan. Il vivait dans la ferme qui l’avait vu naître et a continué toute sa vie, à côté de son activité de chef d’entreprise, à soigner ses vaches, ses ânes, ses herbages et ses bois.

À la fin des années 80, Claude, venait poser occasionnellement son Piper après les moissons dans un champ cultivé à deux pas de sa ferme.

En 1995, le terrain fut à vendre. Claude et quelques amis pilotes, dont Jean GLASSON, se portèrent acquéreurs et créèrent l’aérodrome de Lisieux-La Boissière.

La piste fut aménagée et rapidement un hangar acheté d’occasion, indispensable à la protection des avions, fut monté.

Claude et Jean achetèrent alors ensemble un avion de voyage 5 places, le Wassmer 41 « Baladou » F-BPTF puis un deuxième Piper, le PA-18 150CV F-BNMP.

Ils voyagèrent à travers la France, et participèrent à de nombreux rassemblements Piper avec toute l’équipe du Piper Club dont ils étaient deux piliers.

Le rassemblement qu’ils organisèrent sur l’aérodrome de la Lisieux-La Boissière en 2003 est resté dans les mémoires.

Le ronron des moteurs de la petite patrouille qu’ils formèrent avec ces deux Piper aux couleurs identiques s’est fait entendre bien souvent lors des cérémonies de commémoration du débarquement ou lors des fêtes de la mer sur la côte normande.

Claude était généreux, il aimait partager sa passion du vol et connaissait beaucoup de monde. Tout Lisieux ou presque a eu droit à une balade à travers le pays d’Auge en Piper.

Les voisins n’étaient pas en reste et pour se faire pardonner de les réveiller parfois un peu tôt lors d’un décollage matinal, Claude organisait des journées « baptême de l’air » au profit des familles des
alentours.

Cette initiative a perduré et nous autres, utilisateurs de l’aérodrome de La Boissière, continuons cette belle tradition.

J’ai rencontré Claude en 2006 et le courant est passé instantanément.

Quelques mois plus tard, j’ai rejoint la petite équipe de l’aérodrome constituée entre autres, de Claude et de Jean GLASSON.

En 2009, j’ai proposé à Claude d’acheter, lui et moi, un bel avion de voyage.

Je me souviens comment ses yeux ont brillé et il m’a répondu « Je te suis mais vu mon âge, n’attends pas 10 ans ! ».

Je reconnaissais l’entrepreneur enthousiaste qui sait prendre des décisions rapides.

Ça n’a pas traîné ! Après quelques recherches, l’avion idéal pour notre utilisation s’avérait être le Cessna 206 et j’en avais déniché un dans la région de Memphis aux États-Unis.

Quand je lui ai proposé de le convoyer nous-mêmes en vol depuis les US, il a signé des deux mains. Après cette traversée de l’Atlantique par le Canada, le Groënland et l’Islande, qui fut pour lui comme pour moi un des voyages marquants de notre vie d’aviateur, Claude apprit à maîtriser cet appareil, gros parmi les petits, bourré d’instruments, lui qui totalisait déjà 2000h de vol sur des petites machines comme le Piper qui se pilotent essentiellement « aux fesses ».

Là encore sa grande ouverture d’esprit m’impressionna et il mit beaucoup d’énergie à apprendre et réapprendre comme il le disait lui-même, toute une partie du pilotage qu’il avait délaissée et retrouver de la rigueur dans la préparation de grands vols à travers la France, la navigation et
l’utilisation de la radio.

Lui qui aimait voler en rase-mottes, avait même pris goût à monter plus en altitude, pour plus de sécurité.

Il avait même envisagé à l’époque de passer la qualification de vol aux instruments.

Et si sa rigueur s’avérait parfois approximative c’est son bon sens paysan qui prenait le relais et ma foi, ça faisait l’affaire.

Il s’en est suivi de bonnes années à partager nos avions sur cet aérodrome, à voler chacun de son côté et bien souvent ensemble pour de belles virées en France, en Angleterre, en Tunisie, en Allemagne ou tout simplement entre Lisieux et Bernay, à 10 minutes de vol, pour faire le plein ou
emmener un de nos avions dans l’atelier Michel GEORGLER le meccano hors pair qui en assurait l’entretien.

Voilà encore quelqu’un qui devait beaucoup à Claude pour l’avoir aidé à ses débuts !

Michel est décédé tout juste deux mois avant Claude, il avait 73 ans.

En 2016, Jean GLASSON, plus âgé que Claude, a définitivement refermé son carnet de vol après plus de 6000h et 60 ans d’aviation, et nous nous retrouvions plus que tous les deux, Claude et moi sur cet aérodrome.

J’ai alors racheté à Jean sa part du Piper QQ et proposé à Claude de monter un club d’ULM pour faire vivre la plate-forme.

Claude fut bien entendu aussitôt enthousiaste et pour faciliter les choses, décida de financer l’achat de la machine et de nous la louer à l’heure de vol.

Avec des gens comme ça, tout est tellement facile !

Fin 2017, le club Lisieux-ULM fut créé et nous avons démarré notre activité d’école avec le Super-Guépard acheté par Claude.

Aujourd’hui, grâce à lui, une dizaine de pilotes ont découvert l’aviation et ont obtenu leur brevet ULM.

Claude aimait bien cette petite machine tout terrain facile à piloter.

Il disait que sur ses vieux jours, quand on lui refuserait son aptitude médicale obligatoire pour faire de l’avion, il pourrait continuer à voler en faisant de l’ULM à la réglementation moins restrictive.

En 2019, pour fêter les dix ans de l’achat de notre Cessna, nous avons participé au Rallye Toulouse-St Louis du Sénégal.

Mon épouse Cordula nous a fait le plaisir de nous y accompagner.

Nous étions 24 avions à suivre la route des pionniers de l’Aéropostale comme Antoine de St Exupery, Henri Guillaumet, Raymond Vannier et bien d’autres qui il y a près de 100 ans, tentaient d’aller jusqu’en Amérique du Sud pour y délivrer le courrier et montrer au monde que le transport aérien avait un sens.

Ce fut pour nous trois, un vrai bonheur et un grand moment d’aviation.

Encore une fois, Claude a été le meilleur compagnon de route possible.

Il était le doyen parmi tous les pilotes et a fait l’unanimité pour sa gentillesse et son humour toujours bienveillant.

Notre équipage s’appelait « Calva Hors d’Age ».

L’an dernier Claude m’avait proposé de recommencer l’aventure du Rallye Toulouse-St Louis.

Ses ennuis de santé avaient déjà commencé.

Voilà résumées en quelques phrases 55 années d’aviation, de passion et de partage.

Claude évoquait souvent ses liens avec le Piper Club France et les mémorables virées organisées à travers la France et les pays voisins.

Maintenant que tu as pris ton dernier envol mon cher Claude, tu pourras à loisir veiller sur ton aérodrome qui, comme je te l’ai promis portera ton nom.

Adieu mon ami.

Pierre-Henri GIRAULT
Pilote de Ligne
FI, iULM

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Je remercie Guy FOURDRAIN de m’avoir sollicité pour écrire ce billet à la mémoire de Claude
FOURNIS, avec qui j’ai partagé presque deux décennies magnifiques d’aviation légère.